Bovins du Québec, août 1999, p. 22

Une stratégie rentable d'implantation

Paul Saenger*

L'implant constitue un outil de gestion éprouvé, sûr et efficace qui améliore la rentabilité des parcs d'engraissement et la production de viande rouge. Afin d'optimiser le rendement et la rentabilité du recours aux implants, il est préférable de personnaliser le programme d'implantation en fonction du type de bétail, du nombre de jours prévu à l'engraissement, et des spécifications du marché ou du contrat de finition.

Mode d'action

Il y a de nombreux implants offerts sur le marché canadien. Ils peuvent être classés soit dans la catégorie des œstrogènes ou dans celle des androgènes. Le mode d'action de ces agents n'est pas entièrement élucidé. Toutefois, nous pouvons avancer quelques généralisations. Les composés œstrogéniques semblent altérer les taux de sécrétion des hormones anabolisantes comme l'hormone de croissance et l'insuline. Les composés androgéniques et l'acétate de trenbolone semblent agir sur les récepteurs musculaires, provoquant une hausse du taux de croissance musculaire et squelettique. Il semble que ces deux composés, dont les modes d'action sont complètement différents, ont des effets additifs. Lorsqu'un œstrogène et un androgène sont combinés dans un même implant, le résultat est plus prononcé qu'avec l'une ou l'autre substance considérée isolément.

Les implants peuvent agir sur le gain pondéral et sur la prise alimentaire. Tous ceux qui travaillent à l'engraissement de bétail savent bien qu'il faut moins de livres d'aliments pour constituer une livre de muscle qu'une livre de gras. La raison en est fort simple. Une livre de protéines (qui sont les principaux éléments constitutifs du tissu musculaire) contient considérablement plus d'eau qu'une livre de gras. Il faut donc un poids plus élevé de matière sèche pour faire une livre de gras. En conséquence, chaque fois que le métabolisme de l'animal est orienté vers la formation de muscles, le métabolisme se fait plus rapidement et nécessite moins de matière sèche que pour la constitution de gras.

Aussi, en augmentant la création de protéines, les implants stimulateurs de croissance ont un effet sur les besoins énergétiques. Des besoins énergétiques élevés entraînent une prise alimentaire élevée.

Système de classement

Le système de classement en vertu duquel le bétail est commercialisé détermine quel serait le niveau de gras idéal d'un sujet. Le système de classement USDA, plus particulièrement appliqué à la vente par classe et rendement dans l'est des États-Unis, exige les plus grandes quantités de gras. Le système USDA appliqué à l'ouest des États-Unis nécessite une quantité de gras intermédiaire. Enfin, le système de classement canadien est celui qui nécessite la plus faible quantité de gras. Ainsi, les engraisseurs canadiens sont dans une situation idéale face à l'utilisation de la stratégie d'implantation la plus agressive possible.

Cependant, pour un producteur qui exporte vers l'est des États-Unis, les conséquences sont à la fois énormes et négatives. À moins d'utiliser la stratégie la plus conservatrice qui soit, il est presque impossible d'utiliser l'implantation en raison des effets négatifs résultant sur le classement des carcasses.

Réaction hormonales

Un autre concept important doit être bien compris avant de pouvoir formuler une stratégie d'implantation. Il s'agit du mode d'action des hormones (œstrogènes et androgènes) dans l'animal. Les hormones ne sont finalement rien de plus que des " messagers " qui chargent les cellules d'agir d'une certaine façon. Les cellules réagissent davantage aux changements dans les niveaux de ces messagers qu'aux niveaux proprement dits.

1) Une fois le programme d'implantation entrepris, il ne faut pas permettre aux niveaux d’hormone en circulation de baisser substantiellement. Il pourrait en résulter une interruption presque totale de l'accumulation des protéines. Dans le cas d'une stratégie d'implantation très agressive, cette interruption peut être nécessaire pour permettre à l'animal de constituer une accumulation minimale de gras pour atteindre la condition cible désirée.

2) Il ne faut pas changer d'implant de telle sorte qu'un messager spécifique soit totalement éliminé. En d'autres termes, l'implant final doit contenir tous les messagers des implants utilisés précédemment. Il ne faut donc pas utiliser un implant combiné qui serait ensuite suivi par un implant final ne contenant qu’un seul messager.

3) Les implants combinés (plus d'un messager dans le même implant) sont plus efficaces que l'emploi simultané de plusieurs implants à messager unique. Chaque implant est conçu pour libérer une dose selon une courbe prédéterminée dans le temps. Un implant combiné est conçu pour libérer chaque messager à des doses comparables, tandis que deux implants à messager unique pourraient avoir des courbes de libération fort différentes, empêchant ainsi l'effet additif escompté des messagers multiples.

Élaboration d'une stratégie d'implantation

Avant de formuler une stratégie d'implantation, il importe d'examiner le bétail à traiter. Les facteurs suivants doivent être déterminés :

1) Le sexe des bêtes. Certains implants sont destinés à un sexe en particulier. Il faut donc faire une distinction entre un troupeau de bouvillons et un troupeau de génisses. Dans le cas d'un enclos mixte, il y a des implants qui peuvent convenir aux bêtes des deux sexes.

2) Poids à maturité. Il s'agit tout simplement du poids de finition. Si on engraisse du bétail de races exotiques de très grande taille qui atteint normalement un poids de finition de 1 350 à 1 400 livres et que les carcasses sont escomptées à plus de 900 livres, une stratégie agressive qui génère un gain de 150 livres au poids de finition entraîne un escompte. Inversement, un animal de très petite taille peut bénéficier d'un gain additionnel de 100 à 150 livres à son poids de finition.

3) Musculature. Nous avons souvent constaté qu'une stratégie agressive d'implantation peut corriger la situation chez un animal dont la musculature est très déficiente.

4) Coût d'alimentation et transformation des matières sèches. Plus l'alimentation coûte cher et plus l'indice de transformation des matières sèches est faible, alors plus l'avantage économique de l'implantation est important, surtout avec une stratégie agressive.

5) Prix du bétail. Tout avantage découlant d'une stratégie d'implantation est plus prononcé lorsque le prix du bétail est plus élevé que lorsque le prix du bétail est moins élevé.

6) Escomptes et primes. Cela est un facteur important pour la vente sur les marchés du nord-est américain. Inversement, si l'escompte sur des carcasses très grasses est élevé, une stratégie d'implantation agressive pourrait être bénéfique.

7) Potentiel de marbré (persillé). Une stratégie d'implantation agressive semble avoir moins d'effets négatifs sur le marbré chez le bétail ayant un potentiel de marbré très élevé que chez le bétail ayant un potentiel moins élevé.

Une fois les facteurs importants déterminés, il faut fixer certains objectifs pour le bétail. Ces objectifs dépendent beaucoup du marché potentiel, du coût d'alimentation et de la durée d'engraissement. Ces objectifs peuvent être :

1) Gain moyen quotidien (GMQ) maximal et indice de transformation optimal (alimentation par rapport au gain pondéral réalisé), sans égard au marbré.

2) Marbré maximal, sans égard au gain moyen quotidien ni à l'indice de transformation.

3) Une combinaison des objectifs ci-dessus.

Le premier objectif de GMQ maximal et d'indice de transformation optimal permet le recours aux stratégies d'implantation les plus agressives. Ces stratégies comprennent l'emploi d'implants contenant à la fois de l'estradiol et de l'acétate de trenbolone utilisés à 70 - 90 jours d'intervalle. Cette stratégie agressive donne des résultats exceptionnelles au plan du GMQ et de l'indice de transformation. Cependant, l'expérience démontre que le marbré diminuera grandement par comparaison à d'autres stratégies. Il est également très important de prévoir la pose du dernier implant à 120 jours ou moins de l'abattage. On a constaté que les bêtes dépassant cette période de 120 jours subissaient une baisse marqué du GMQ.

Le second objectif de maximisation du marbré (c.-à-d. classe USDA Choice) exige l'adoption d'une stratégie d'implantation très conservatrice. Nous sommes d'avis que les implants combinés d'estradiol et d'acétate de trenbolone n'ont pas leur place dans une telle stratégie. Les produits à l'estradiol seul sont nos implants préférés. De plus, le dernier implant ne devrait pas être posé à moins de 60 jours de l'abattage.

Le troisième objectif, soit une combinaison des deux premiers, permet la plus grande diversité de stratégies. Ces stratégies débutent avec l'emploi d'implants ne contenant pas d'acétate de trenbolone. L'implant final utilisé peut en être un qui contient de l'acétate de trenbolone, ou encore un autre implant combiné d'estradiol et de progestérone ou d'estradiol et de testostérone. Ici encore, le moment de la pose du dernier implant par rapport à l'abattage est crucial. Le moment choisi doit être égal au délai de réimplantation du produit spécifique utilisé.

Conférence (adaptée) présentée au Congrès du bœuf 1998 organisé par le CPAQ inc., les 20 et 21 août 1998 à Laval.

 

ENCADRÉ DANS LE TEXTE

La bonne technique

Pour que ces implants soient efficaces, il faut faire appel à une technique d'implantation adéquate. Voici les éléments essentiels à une bonne implantation :

1- Du temps. Il ne faut pas brusquer la manoeuvre.

2- Contention. Il est essentiel de bien maintenir la tête de l'animal. Une barre verticale disposée à une distance de 10 à 20 cm (4 à 8 po) de chaque côté de la porte cornadis permet d'allonger le cou afin de restreindre les mouvements de tête.

3- Site d'implantation. Le point cible est le tiers médian de l’oreille, juste sous la peau mais par-dessus le cartilage. Éviter les principaux vaisseaux sanguins.

4- Propreté. De l'alcool à friction et une éponge suffisent pour bien désinfecter l'aiguille d'implantation entre deux animaux.